Faut-il, ou pas, complémentariser le Krav Maga avec une autre discipline ?

 

Très souvent, je rencontre des élèves qui souhaitent ajouter une discipline afin de pouvoir “améliorer leur Krav Maga”, qui demandent comment être meilleur en Krav Maga et aimeraient apprendre la boxe, le judo ou une autre disicpline dans l’espoir de devenir meilleur pratiquant.

Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas ici de faire un procès envers les autres disciplines ou de critiquer les choix de chacun mais de tenter d’apporter une réponse basée sur la psychologie et le comportement humain.

Bonne lecture… 🙂

Imaginez …



Imaginez que vous construisez une maison.

Vous commencez par les fondations, vous montez un ou deux murs et puis vous commencer à construire une annexe sur le côté. Avant même d’avoir fini, vous commencez à retourner la terre à côté de l’annexe pour semer du gazon et vous planifiez déjà la construction de la cabane au fond du jardin…

Au final, votre maison n’aura pas avancé, vous aurez entamé un tas de projet mais aucun n’aura réellement été mené à terme.

J’exagère un peu avec cet exemple, mais si on compare ça avec les échanges que j’ai souvent pu avoir avec les gens souhaitant pratiquer d’autres disciplines dans le but d’améliorer leur Krav Maga, ça y ressemble un peu.

Le Krav Maga (et n’importe quelle autre discipline) étant tellement profond qu’il faudra de nombreuses années d’entraînement avant d’en avoir fait le tour.

Après plus de 8 ans de pratique et mon premier grade d’Expert en poche, je pense pouvoir affirmer que j’ai encore beaucoup de choses à améliorer et à apprendre.

Mais en réalité, ce n’est pas étonnant car nous sommes tous confrontés un jour ou l’autre à ce genre de comportement. Il s’agit là en réalité du syndrome de l’objet brillant.

C’est quoi le syndrome de l’objet brillant ?

 

Quelque chose que nous expérimentons tous au moins une fois dans notre vie. Enfant ou adulte, homme ou femme, on y passe tous un jour ou l’autre.

Laissez-moi vous expliquer comment je me suis fait avoir…

La première fois que j’en ai entendu parler, c’était dans l’article d’un site consacré à l’art de la photographie.

J’avais débuté la photo, il y a plus de 10 ans et j’ai acheté du matériel, encore et encore, revendant mes objectifs pour en acheter des plus chers, plus performants, toujours à la recherche de ce qui m’aiderait à prendre de plus beaux clichés.

Et puis un jour j’ai lu cet article et je me suis rendu compte qu’il ne servait à rien de vouloir à tout prix du matériel « meilleur » que ce que je possédais déjà.

D’où vient le problème ?

 

Le problème ne venait pas du matériel.

Il venait de moi.

Il suffisait simplement d’affiner mes connaissances en photographie.

Comme dirait l’autre, c’est pas la taille qui compte, c’est la manière dont on s’en sert.

C’est ça, le syndrome de l’objet brillant. Attribuer à un objet qu’on ne possède pas des vertus qui nous permettront de réussir ce que nous souhaitons entreprendre.

Réfléchissez un peu… N’est-ce jamais arrivé, de vous dire que ce téléphone était plus performant que l’autre? Ou cet incroyable logiciel qui vous permettrait de mieux vous organiser?

Et tout ceci, malgré le fait que vous possédiez déjà un téléphone ultra performant ou un logiciel haut de gamme…

Vous voyez où je veux en venir ?

Quel rapport avec le Krav Maga ?

 

On vous vend une discipline que n’importe qui peut apprendre, dont les bases sont simples et qui fonctionnent chez tout le monde ? Ça sent l’arnaque !

Une des premières idées est que les compétitions en Krav Maga n’existent pas ou, pour celles qui existent, sont totalement non représentatives de la réalité.

Le MMA est très représentatif car il suffit de voir un match pour tout de suite comprendre ce qu’il se passe.

Un coup de pied en pleine mâchoire, le type tombe.

Pareil pour des disciplines telles que la boxe ou le jjb. Vous pouvez facilement voir ce qu’ils font et les techniques sont impressionnantes car ce sont des mouvements réservés aux initiés et qui provoquent douleur, blessures ou KO.

La compétition permet de faire de la publicité.

Visualiser le Krav Maga est beaucoup plus problématique.

Difficile de prévoir une agression. On ne la programme pas à la télévision à 20h50, il n’y a pas d’événement Facebook ni d’application permettant d’alerter tous les gens à proximité pour aller voir ce qui va arriver.

Voilà pourquoi le manque de compétition nuit au Krav Maga. Cela ne permet pas d’afficher clairement les bénéfices apportés, comme pourrait le faire d’autres disciplines qui ont des compétitions et donc peuvent fournir une image, tout du moins un aperçu de ce qu’elles proposent. Et quand bien même, il serait difficile d’avoir des compétiteurs motivés à l’idée de prendre un coup de pied direct dans les parties génitales, un poignet cassé lors d’un désarmement ou autre…

Comment savoir si ça marche ?

 

Le seul moyen d’avoir la confirmation que ça marche est soit d’être témoin, soit d’accepter de croire quelqu’un qui pratique, qui vous parle des résultats positifs de l’entraînement ou qui vous dit avoir su l’utiliser en situation critique.

Et je ne parle ici que des bénéfices de self défense purs, même pas des bienfaits physiques ou mentaux apportés par le Krav Maga.

Mais ceux-ci ne viennent qu’avec le temps et la pratique, vous ne pouvez pas réellement ressentir de grand changement (ou ceux que vous pourriez espérer !) directement après votre premier ou second cours.

Un autre problème majeur est l’influence des réseaux sociaux et de la télévision.

On nous montre des films ou des séries avec des cascades, des scènes scénarisées et chorégraphiées mais… ce n’est pas la réalité.

Si votre seul repère lorsque l’on parle de self défense ou d’arts martiaux provient de la télé, votre cerveau fera la comparaison avec ce qu’il connaît… Et comment lui en vouloir ?

À nouveau, c’est très visuel, mais au final, complètement surréaliste.

Ensuite vient le fait de s’être déjà, ou pas, fait agresser. Regardez le nombre d’experts autoproclamés présents sur les réseaux sociaux, spécialistes de la guérilla du clavier, toujours à dire ce qu’il aurait fallu (ou pas) faire dans telle ou telle situation.

Les personnes ayant déjà subi une agression connaissent ce sentiment désagréable causé par l’altercation.

Le rythme cardiaque qui s’accélère.

Le stress et la montée d’adrénaline pendant et après l’agression.

Et puis dernièrement, après avoir fait la synthèse de tout cela, vient le biais de confirmation.

Qu’est-ce que c’est encore que ça ?

 

Penser que ce en quoi on croit est véridique et ignorer ou nier systématiquement les faits ou croyances qui contredisent ce dont nous sommes persuadés.

Définition :

Le biais de confirmation est notre tendance à sélectionner uniquement les informations qui confirment des croyances ou des idées préexistantes.

Majoritairement, nous chercherons à valider nos opinions en cherchant des faits qui iront dans le sens de nos croyances et non l’inverse.

Un exemple simple est l’éternel débat du MMA vs Self défense. Quelle discipline est la meilleure ?

Chaque pratiquant verra midi à sa porte et cherchera à prouver ses convictions aux autres. Parfois à raison, parfois à tort…

Alors si une idée du genre « oui, passer 3 heures de plus au cours de macramé va augmenter la dextérité de mes mains, ce qui aura forcément un impact vital sur mes compétences en self défense ! » vous traverse l’esprit, demandez-vous si votre cerveau ne vous joue pas à nouveau un tour.

Je vous renvoie d’ailleurs à l’excellent article sur le sujet du blog A Man In The Arena, qui explique cela à la perfection :

Biais de confirmation : nous croyons ce que nous voulons croire

 

L’être humain est le meilleur pour interpréter toute nouvelle information de façon à ce que ses conclusions précédentes restent inchangées.

Warren Buffett

Mais que faire pour éviter ça ?

 

Si vous avez tendance à vouloir ajouter sans cesse de nouvelles choses afin d’améliorer une première, vous êtes victime de votre cerveau ! Et c’est totalement normal.

Comment éviter de tomber dans le piège du syndrome de l’objet brillant ? :

  • Se recentrer :

Concentrez-vous sur votre objectif premier.

Vous avez choisi d’apprendre le Krav Maga et faire le tour complet du système va prendre beaucoup de temps.

Est-il vraiment nécessaire de se lancer dans l’apprentissage d’une autre discipline ?

Est-ce que cette discipline va réellement vous aider à améliorer votre pratique ?

  • Rationnaliser ; Nouveau ne signifie pas meilleur :

Il semblerait fou d’imaginer un joueur de NBA vouloir devenir professionnel de golf afin d’améliorer sa coordination.

Pourtant, certains enseignements peuvent être tirés d’une discipline afin d’appliquer la logique ou les bénéfices à une autre.

Mais attention à ne pas investir du temps pour un détail au détriment de votre objectif principal.

  • Méfiez-vous des mécanismes de manipulation :

Bien souvent, la promotion de discipline martiale repose sur un appel à l’autorité :

Diplômes, expérience dans les forces de l’ordre, l’armée ou autre…

Une fois de plus, demandez-vous si débuter une nouvelle activité prendra tout son sens ou sera un frein à la progression de la première.

Quelqu’un qui cherche à vous faire avancer ne tentera pas de vous retenir à tout prix ni à vous convertir à son système mais vous soutiendra dans votre quête de progression.

  • N’agissez pas impulsivement.

Prenez le temps de réfléchir. N’hésitez pas à en parler avec votre/vos instructeur(s) afin d’avoir un point de vue différent.

Conclusion

 

Que vous souhaitiez apprendre les bases de la self défense ou devenir un expert assidu du Krav Maga (ou d’autre chose!), vous risquez, comme tout le monde, de vous retrouver dans cette situation.

Je suis d’ailleurs le premier concerné, comme nous l’avons vu plus haut.

Cependant, à la lumière de ces informations, il est plus facile d’éviter de se faire prendre au piège et par la même occasion, vous augmenterez votre maitrise dans la discipline de manière bien plus rapide et efficace.

Surtout, gardez à l’esprit que c’est l’entraînement et la persévérance qui vous rendront meilleur pratiquant et augmenteront vos capacités.